Formuler des produits de soin et d’hygiène pour animaux.
Le marché du petcare est en pleine croissance, tout comme celui des produits cosmétiques pour animaux. C’est une opportunité séduisante, d’autant plus qu’en l’absence de cadre réglementaire sectoriel, formuler des produits pour animaux ne semble pas si complexe. Et pourtant, c’est loin d’être le cas, que cela soit pour la conformité réglementaire (car oui, il y a un cadre réglementaire à respecter), la diversité des cibles ou encore la sécurité de l’animal… et de la personne qui applique le produit !
Introduction
Des cosmétiques pour animaux ? Si le sujet peut faire sourire, c’est pourtant un marché en plein développement. Aux Etats-Unis, le petcare représente un marché de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliards de dollar (selon ce que le terme englobe). Cette tendance des soins destinés aux animaux concerne également l’Europe, 3ème marché mondial. Il est donc tentant d’investir ce marché et de formuler des produits pour animaux. Mais est-ce aussi simple que cela ?
Comprendre le cadre réglementaire des « cosmétiques » pour animaux
Avant d’aborder les spécificités de la formulation à destination des animaux, il est essentiel de faire un point sur le cadre réglementaire des produits de soins pour animaux. Car ce cadre influence déjà les termes à employer : selon le Règlement CE N°1223/2009, un produit cosmétique est destiné à être appliqué sur la peau… humaine. Le terme de cosmétiques pour animaux est donc incorrect, il est préférable d’utiliser « produits de soins et d’hygiène pour animaux ».
Les produits de soin et d’hygiène pour animaux n’ont pas de réglementation sectorielle en Europe (donc pas de définition officielle), c’est une zone de flou. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun cadre réglementaire. Il semble intuitif de se référer au cadre réglementaire cosmétique (donc « humain »), mais ce n’est pas ce qui est recommandé. Prenons le cas des conservateurs : pour un produit de soin pour animaux, il est incorrect de se référer à l’Annexe V du Règlement cosmétique. Il faut se référer au Règlement biocides (TP6).
La fonction du produit, tout comme sa composition, peuvent influencer son statut réglementaire et le faire basculer vers une réglementation sectorielle existante :
- Dans le scope des biocides, par exemple un répulsif anti-insectes ;
- Dans le scope du médicament vétérinaire, par exemple un shampoing traitant pour une affection cutanée.
Lorsque le produit n’est pas dans ces catégories, il doit néanmoins se conformer aux réglementations transverses : réglementation des substances chimiques (REACh et CLP), règlement biocides si concerné, règlement sur la sûreté générale des produits (RSGP). Pour les produits parfumés, on peut se poser la question de la conformité aux standards IFRA. Ces derniers se référent en effet à la sécurité humaine, et se pose la question de leur pertinence pour la peau animale. Car formuler des soins pour animaux, cela n’est pas formuler pour des petits (ou gros) humains poilus !
Pour en savoir plus sur les aspects formulation et réglementation dans les soins pour animaux, voir par exemple Formulating Pet Care Products. Happi
Connaître les besoins de la cible
Ce qui fait la particularité des produits de soin et d’hygiène pour animaux, c’est la variété des cibles potentielles. Chien, chat ou encore cheval (dans l’ordre de leur importance dans le marché des produits de soin), chaque espèce a ses spécificités : pH de la peau, sécrétions, type et densité des poils. Il faut également ajouter à cela la variété des races dans une même espèce : on compte plus de 400 races de chiens ! Du Saint Bernard au Chien nu chinois, les besoins ne seront pas les mêmes !
La peau de nos animaux domestiques, protégée par les poils, est souvent plus sensible que la peau humaine, qui a évolué pour résister à son environnement malgré l’absence de couverture pilaire. La peau du chien être aussi sensible que celle d’un bébé. Elle est plus susceptible à la déhydratation, et son pH plus basique que celui de la peau humaine (environ 7,5 contre 5,5 pour l’humain) le prédispose aux infections cutanées en cas de déséquilibre. Il est donc nécessaire d’adapter le pH et de privilégier les bases lavantes douces dans les produits pour animaux, tout comme les formules courtes.
La sensorialité n’est pas à négliger, mais d’autres critères sont à garder en tête, comme la rinçabilité. Elle est en effet primordiale pour les produits lavants. Pour les animaux domestiques, c’est une question de confort pour l’animal (pour limiter le temps nécessaire au rinçage) mais aussi de sécurité, pour éviter toute irritation cutanée ou ingestion par léchage en cas de mauvais rinçage. Pour des animaux plus imposants, comme les chevaux, c’est aussi un geste environnemental ! Le volume de mousse créé et la quantité d’eau de rinçage sont bien plus importants que pour un petit chien.
Le parfum doit être un point d’attention, car la sensibilité olfactive des animaux, en particulier les chiens, est bien plus développée que la nôtre. Un parfum trop présent peut gêner l’animal, mais aussi perturber sa communication avec les autres animaux car son identité olfactive est brouillée. Certaines odeurs, même si elles sont appréciées par les propriétaires, ne le sont pas des animaux. Chiens et chats ne sont par exemple pas adeptes des senteurs d’agrumes, qui sont même répulsives pour eux. Il est possible de tester les compositions parfumantes pour vérifier qu’elles conviennent à la cible.
Les produits de soin et d’hygiène pour animaux sont influencés par les mêmes tendances que la cosmétique, et il est tentant de les suivre, parfois en utilisant des ingrédients à la mode. Mais il convient de se poser la question des preuves d’efficacité chez l’animal, et de ne pas dupliquer des formules cosmétiques avec des ingrédients sans intérêt dans un produit de soin pour animaux. Certains fournisseurs de matières premières commencent à faire des tests spécifiques, par exemple sur épiderme canin reconstitué. National Veterinary Services+1
Tenir compte d’une double contrainte, animale et humaine
Par rapport à la cosmétique « humaine », les produits de soin et d’hygiène pour animaux présentent une autre particularité : le receveur du produit n’est pas de la même espèce que celui qui l’applique. Ainsi, même si pour l’animal c’est le règlement Reach qui donne la liste des substances autorisées pour la formulation, il reste pertinent de tenir compte des interdictions et restrictions du règlement cosmétique.
S’il n’y a pas d’obligation d’un rapport sur la sécurité du produit, une évaluation de la sécurité de la formule est néanmoins recommandée pour s’assurer de la sécurité du propriétaire de l’animal, d’autant plus si c’est un produit à usage professionnel (toiletteurs, éleveurs, etc.).
Pour l’animal, le manque de données toxicologiques des espèces cicles peut compliquer cette évaluation. Les spécificités cutanées et métaboliques des animaux doivent être prises en compte, et l’analyse de risque doit être faite même pour des ingrédients bien connus en cosmétique et considérés sûrs pour l’humain. Le risque d’ingestion (léchage) doit être pris en compte. Le chat métabolise différemment certaines substances, qui deviennent toxiques pour lui, comme certaines huiles essentielles ou le benzalkonium chloride. Quelques autres substances qui peuvent présenter un risque chez l’animal : certains extraits botaniques qui attirent les insectes (fraise, banane), les glycols, l’acide benzoïque, l’alcool benzylique, la théobromine, les acides organiques, le sodium lauryl sulfate. Les allergènes reconnus pour l’animal cible peuvent également être différents de la liste des allergènes à étiquetage obligatoire, et doivent être considérés au même titre que les allergènes « humains » pour le propriétaire pour éviter l’exposition de l’animal.
En résumé :
- Le propriétaire fait également partie de l’équation de sécurité ;
Les données spécifiques à l’espèce, à la race et à la peau de l’animal doivent être prises en compte ;
Le risque d’ingestion et le métabolisme interespèces sont des éléments clés.
Conclusion
Même sans cadre réglementaire spécifique, formuler des produits de soin et d’hygiène pour animaux se révèle plus complexe que de formuler des produits pour humains. Car absence de réglementation sectorielle ne signifie pas que les produits ne doivent pas se conformer aux réglementations transverses. Les cibles produits sont en outre diverses, avec chacune leurs spécificités, à la fois en terme de besoins mais aussi pour évaluer la sécurité d’utilisation de la formule. Outre la double contrainte de sécurité pour l’animal et l’humain qui manipule le produit, il faut donc proposer un produit cohérent avec les besoins de l’animal, mais qui satisfait également l’humain. Cet équilibre est parfois délicat et doit tenir compte en priorité du bien-être de l’animal, sans sombrer dans les dérives marketing.
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