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Article 17 décembre 2025

Lutte contre la déforestation à l’échelle européenne : le règlement EUDR concerne ingrédients et emballages cosmétiques.

Dans le cadre du Green Deal européen, les réglementations environnementales se sont multipliées ou renforcées. C’est le cas de la réglementation anti-déforestation, dont le nouveau règlement anti-déforestation, aussi appelé EUDR, installe de nouvelles contraintes pour les acteurs concernés. Dans l’industrie cosmétique, outre le bois et dérivés pour les emballages (papier, carton), les filières de l’huile de palme, du cacao ou encore du café sont concernées.

Si le cadre réglementaire sectoriel des produits cosmétiques est souvent bien connu des acteurs de la filière, il ne représente qu’une partie des contraintes qui s’y applique. Comme tout produit de consommation, un produit cosmétique est concerné par des réglementations transverses, incluant celles qui concernent l’environnement. Au niveau européen, ces dernières se renforcent, comme le montre la complexification de la réglementation anti-déforestation dont le champ d’application s’étend et concerne des ressources utilisées dans la filière cosmétique.

Qu’est-ce que la réglementation anti-déforestation ?

En 2023, la Commission européenne a publié le Règlement UE 2023/1115 (appelé Règlement Déforestation ou EUDR pour European Union Deforestation Regulation), qui vise à remplacer le Règlement UE 995/2010 (appelé Règlement Bois ou Timber regulation). Ce nouveau texte vise à lutter contre la déforestation locale ou importée :

  • 90 % de la déforestation est due à la conversion des terres vers l’agriculture pour la production de bétail, de soja, de café ou encore de chocolat ;
  • 11 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent de la déforestation ;
  • L’UE est à l’origine de 10 % de la déforestation mondiale associée à la production de biens et de services.

Il interdit la mise sur le marché européen ou l’exportation depuis celui-ci de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 30 décembre 2020. Les acteurs concernés doivent s’assurer que les produits listés dans le règlement sont conformes à trois obligations :

  • Être zéro déforestation : être produits sur des terres n’ayant pas fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020 (parcelle de culture existant avant cette date, traçabilité par coordonnée GPS), ou, pour le bois, avoir été récolté en forêt sans causer de dégradation après la même date ;
  • Avoir été produits en conformité avec la législation du pays de production (travail, fiscalité, environnement, etc.) ;
  • Avoir fait l’objet d’une diligence raisonnée (due diligence) avant la mise sur le marché.

Initialement prévue fin décembre 2024, sa mise en œuvre été repoussée au 30 décembre 2025 (grandes entreprises) et au 30 juin 2026 (petites et microentreprises). Des discussions sont encore en cours pour un éventuel second report d’un an, en raison de la complexité de mise en œuvre de ce texte, en particulier les contrôles par les autorités compétentes des états membres.

Quelles ressources sont concernées par le règlement EUDR ?

Le règlement anti-déforestation détaille les produits de base en cause et leurs dérivés* (listés dans l’Annexe I) : cacao, soja, palmier à huile, bovins, café, caoutchouc et bois.

La filière cosmétique est directement concernée par les trois premiers et leurs dérivés :

  • Cacao :  fèves, déchets de cacao, pâte, beurre, graisse et huile de cacao, poudre, chocolat ;
  • Soja : fèves, farine, huile de soja, même raffinées, mais non chimiquement modifiées, tourteaux et autres résidus solides ;
  • Palmier à huile : noix et amandes, huiles de palme, de palmiste et de babassu brutes, même raffinées, mais non chimiquement modifiées, tourteaux et autres résidus solides, glycérol, acide palmitique, acide stéarique, acides monocarboxyliques acycliques saturés, acide stéarique, acide oléique, acides gras monocarboxyliques industriels, huiles acides de raffinage, alcools gras industriels.

*  contiennent des produits de base, ont été nourris avec ou ont été fabriqués à partir de tels produits.

Sans oublier le bois, pour la fabrication des emballages (bois, carton, papier), dont la soumission au règlement EUDR dépend de leur statut (vendus en tant que tels ou associés aux produits qu’ils emballent). Les emballages qui supportent, protègent ou portent un produit ne sont ainsi pas soumis à l’EUDR.

L’huile de palme est un cas à prendre en compte, car les grades actuellement utilisés peuvent ne pas satisfaire aux exigences de l’EUDR. C’est le cas par exemple de la filière RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil), dont le grade « mass balance » ne satisfait pas aux exigences de traçabilité. Les grades « segregated » et « identity preserved » seraient conformes.

Quel impact sur la filière cosmétique ?

Le niveau d’obligation n’est pas le même selon le statut des acteurs de la filière par rapport aux matières premières.

L’opérateur est responsable de la mise sur le marché UE ou de l’exportation depuis ce dernier. L’ensemble des obligations lui incombe : responsabilité de la conformité, diligence raisonnée et sa déclaration, maintien d’un registre des déclarations et communication des informations au commerçant. C’est par exemple un fabricant d’ingrédients cosmétiques important de l’huile de palme pour cela.

Le commerçant est responsable de la mise à disposition sur le marché UE. Ses obligations varient selon la taille de l’entreprise (les PMEs ayant moins d’obligations), mais la base reste la collecte des informations. C’est par exemple un distributeur d’ingrédients cosmétiques.

Les autres acteurs en aval, comme les fabricants de produits finis, n’ont pas d’obligations au sens strict, mais il y a néanmoins un devoir de vérification de la conformité des fournisseurs. Cela permet de sécuriser l’approvisionnement des ingrédients. En effet, un opérateur ou un commerçant contrôlé par les autorités nationales risque le blocage voire la saisie des produits en cas de non-conformité, ce qui peut compromettre la filière en aval. Il existe un risque réputationnel car le jugement définitif des acteurs en non-conformité établie sera publié sur le site de la Commission européenne (name and shame).

Il peut également se poser la question de la disponibilité des matières premières ayant déjà une filière d’approvisionnement avec la traçabilité adéquate (risque de demande accrue). En prévision de l’implémentation de ces nouvelles obligations, il semble probable que de nouvelles alternatives aux ingrédients dérivés de l’huile de palme, principalement, se développent de plus en plus. Cela devient donc un argument marketing pour certains fournisseurs d’ingrédients.

C’est cependant une opportunité d’aligner les produits cosmétiques avec les attentes des consommateurs, vers plus de durabilité, et de renforcer la réputation de marque en communiquant sur des engagements en ce sens.

Conclusion

L’implémentation du nouveau règlement anti-déforestation, projet européen ambitieux, implique de nouvelles obligations, en particulier pour les fournisseurs de matières premières. Cela implique une profonde transformation des chaînes d’approvisionnement, et une implication de tous les acteurs de la chaîne de valeurs des matières premières et ingrédients concernés. C’est néanmoins une opportunité de transformer ces contraintes en avantage concurrentiel et réputationnel. Dans le même esprit, les futures réglementations encadrant l’usage de l’eau incitent à réfléchir ce sujet de façon proactive, afin d’en faire un levier d’innovation.

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