Initiée par l'affaire du talc Morhange en France, la réglementation s'est emparée du domaine de la cosmétique depuis 1976. D'abord Directive, puis Règlement depuis 2009, elle encadre toute la vie d'un produit cosmétique dans l'Union européenne. La conformité réglementaire au Règlement (CE) n°1223/2009 est donc essentielle pour la mise sur le marché en Europe. Mais qu'est-ce que cela implique ?
 

La sécurité du consommateur au coeur de la réglementation

Le principe fondamental de la réglementation cosmétique européenne, selon la Commission européenne, c'est la sécurité du consommateur : celui-ci doit pouvoir utiliser un produit cosmétique sûr pour sa santé dans des conditions d'utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. C'est la responsabilité de la Personne Responsable (PR) (encadré 1). Le Règlement (CE) n°1223/2009, appelé aussi Règlement cosmétique, s'applique dans tous les pays concernés (c'est le principe d'un Règlement, à la différence d'une Directive). Cette harmonisation permet d'assurer la libre circulation des produits cosmétiques dans l'espace économique européen (28 états membres, et Norvège, Islande, Liechtenstein).
La Personne Responsable

Le concept de Personne Responsable (PR) est fondamental dans le Règlement cosmétique européen. C'est une personne physique ou morale, établie dans l'Union européenne. Sa responsabilité principale est de s'assurer que le produit cosmétique mis sur le marché est conforme au Règlement (CE) n°1223/2009. Sans PR désignée, pas de mise sur le marché ! La PR peut être :

- Le fabricant (la marque pour simplifier) ;
- L'importateur, si le produit mis sur le marché provient d'un pays tiers ;
- Le distributeur, s'il met sur le marché un produit sous son nom ou sa marque, ou s'il modifie de façon substantielle le produit.

Dans le cas du fabricant ou de l'importateur, une PR extérieure peut être désignée, par exemple un prestataire, et ainsi en assumer les responsabilités.
 
Au contraire de la réglementation cosmétique américaine (see USA article), la réglementation européenne encadre très strictement les ingrédients autorisés (ou non) dans les produits. Ces restrictions réglementaires sont issues du travail du Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC, ou SCCS en anglais), comité d'experts indépendants qui évalue la sécurité d'emploi des ingrédients cosmétiques. Les annexes du Règlement recensent ainsi les substances interdites (annexe II), les substances restreintes dans leur usage et/ou leur concentration (annexe III) et trois listes positives pour les colorants (annexe IV), les conservateurs (annexe V) et les filtres UV (annexe VI). Le principe des listes positives implique que pour ces trois catégories, seuls les ingrédients cosmétiques y figurant peuvent être utilisés, parfois avec des restrictions d'usage et/ou de concentration. Ces annexes évoluent avec l'état de la science et les opinions du CSSC, lorsque la Commission européenne l'estime pertinent, souvent après discussion avec les représentants de l'industrie comme Cosmetics Europe (encadré 2). La formulation de produits cosmétiques doit donc tenir compte de ces contraintes, et il convient de garder un oeil sur les ingrédients 
Qu'est-ce que Cosmetics Europe ?

Cosmetics Europe, auparavant nommé Colipa, est l'association professionnelle européenne de l'industrie cosmétique. Elle représente l'industrie cosmétique, mais également les associations professionnelles nationales en Europe. Ses membres sont des fabricants de l'industrie, et elle intervient dans les discussions avec les autorités et les experts européens sur les questions de réglementation. La section « publications » du site propose de nombreux documents pratiques, incluant des lignes directrices, des recommandations (qu'il est pertinent de suivre !), des rapports d'activités, des statistiques sur l'industrie, etc.

Cosmetics Europe website:  https://cosmeticseurope.eu/ 

Le Rapport sur la sécurité du Produit Cosmétique (RSPC, encore appelé évaluation de la sécurité) est un élément central du Règlement cosmétique. La PR doit s'assurer de fournir toutes les informations pertinentes à l'évaluateur afin que celui-ci puisse attester que le produit est conforme au Règlement et à son principe fondamental : être sûr pour la santé du consommateur dans des conditions d'utilisation normales ou raisonnablement prévisibles. Le RSPC est lui-même intégré dans le Dossier d'Information sur le Produit (ou DIP) , qui contient toutes les données nécessaires à la PR pour maîtriser la vie du produit : un produit, un DIP ! Ce dernier doit être conservé par la PR pendant 10 ans après la mise sur le marché du dernier lot. Il doit également être accessibles aux autorités de contrôle (en France, l'ANSM et la DGCCRF).

L'affaire du talc Morhange a mis en évidence que la fabrication d'un produit cosmétique est une étape critique. C'est pourquoi le Règlement cosmétique exige que la PR atteste du respect des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF), attestation qui doit figurer dans le DIP de chaque produit.  Le respect de la norme ISO 22 716, qui encadre les BPF, est donc la règle. La norme insiste également sur le contrôle qualité des produits cosmétiques

Une information du consommateur encadrée

L'emballage est souvent le premier contact du consommateur avec le produit. Ce dernier doit pouvoir trouver sur le produit toutes les informations nécessaires pour faire son choix, mais aussi pour pouvoir l'utiliser en toute sécurité (par exemple avec la liste des ingrédients en cas d'allergie, ou savoir combien de temps le produit se conserve après ouverture). C'est pourquoi l'étiquetage des produits cosmétiques (mettre lien article étiquetage) doit être conforme aux exigences du Règlement (CE) n°1223/2009. L'étiquette doit permettre aux autorités de contrôle de savoir où trouver le DIP du produit. Elle est également le premier support des allégations, qui doivent répondre aux critères communs évoqués dans le Règlement cosmétique.

En effet, le Règlement cosmétique ne détaille pas directement les critères communs auxquels doivent se conformer les allégations cosmétiques. C'est le Règlement (CE) n°655/2013 qui établit six critères communs qu'elles doivent respecter, qu'elles soient sous forme de texte, d'image, sur le produit ou autour de lui (publicité, site internet, supports de vente, etc.) :

Conformité avec la législation : il est interdit d'alléguer respecter la réglementation, puisque cela est obligatoire pour mettre un produit sur le marché. Un exemple d'allégation ne respectant pas ce critère commun est « non testé sur les animaux » (Encadré) ;
  • Véracité : l'allégation ne doit pas être mensongère ;
  • Eléments probants : il faut pouvoir prouver ce qu'on avance ! Les résultats des tests soutenant les allégations doivent figurer dans le DIP ;
  • Sincérité : ne pas exagérer les allégations au point d'induire en erreur le consommateur ;
  • Equité : les allégations ne doivent dénigrer ni la concurrence ni des ingrédients. Beaucoup d'allégations « sans » contreviennent à ce critère ;
  • Choix en connaissance de cause : les allégations doivent être compréhensibles pour le consommateur.
En 2019, un document technique a été publié par le groupe de travail sur les produits cosmétiques européen, afin de préciser l'application des critères communs, y compris sur le sujet des allégations « sans ».
 
Le cas des tests sur animaux

Il est encore fréquent de voir sur des produits l'allégation « non testé sur les animaux » ou encore « cruelty free ». Or, cette allégation enfreint le premier critère commun, et elle est donc interdite. Car le Règlement cosmétique interdit la mise sur le marché de produits cosmétiques testés sur les animaux, que cela soit pour le produit fini ou pour les ingrédients. Les tests sur animaux, utilisés pour attester la sécurité d'un produit ou d'un ingrédient, sont remplacés par des méthodes alternatives.

Un marché sous surveillance

L'entrée en force du Règlement cosmétique a également introduit une nouvelle obligation : la notification sur le portail CPNP . Ce portail recense ainsi tous les produits cosmétiques présents sur le marché européen. Il permet aux autorités de contrôle nationales, qui y ont accès (tout comme les centres antipoison), d'exercer une surveillance du marché et d'obtenir les caractéristiques d'un produit en cas de besoin.


La mise sur le marché d'un produit cosmétique, si elle nécessite de compléter un dossier assez conséquent, n'est pas soumise à une autorisation ou une validation par les autorités, comme c'est le cas pour les médicaments. Une surveillance post mise sur le marché est donc requise, afin de contrôler la bonne tolérance du produit pendant sa commercialisation. En effet, il n'est pas possible de prévoir tous les effets indésirables possibles, même avec des tests de tolérance. La réglementation européenne impose donc la déclaration des effets indésirables graves aux autorités compétentes du pays dans lequel l'effet indésirable survient (en France, l'ANSM). Cette cosmétovigilance, dont les contours, en dehors des effets indésirables graves, ne sont pas définis par le Règlement, est néanmoins indispensable. Le Règlement précise que toutes les « informations complémentaires pertinentes » récoltées après la mise sur le marché doivent être intégrées au RSPC, ceci incluant toutes les données de cosmétovigilance. Certaines autorités de contrôle ont mis en place un portail de déclaration d'effets indésirables, accessibles aux consommateurs.

Conclusion

A présent bien établie, la réglementation cosmétique européenne fait figure de modèle dans le monde entier. Axée sur la sécurité du consommateur, elle régit le développement d'un produit cosmétique et sa vie sur le marché. Au-delà des restrictions d'ingrédients, l'évaluation de la sécurité est un des piliers qui garantit la conformité réglementaire du produit. Il est dommage que les consommateurs ne soient pas plus informés de la rigueur de cette réglementation, car ce manque d'information laisse la porte ouverte aux marchands de peur.